#RDV Ancestral, épisode 5 : un aller simple …

C’est fois encore je cours après le temps : 18 mois se sont écoulés depuis mon dernier RDV avec Pierre ! Avec le D.U. j’ai mis ces longs mois à profit pour me pencher sur l’histoire de Pierre et des siens de manière très approfondie alors cette année j’ai bien l’intention de le rencontrer régulièrement !!

J’ai décidé de poursuivre mes voyages temporels à l’aide de moyens magiques et pour ce 5ème RDV ancestral sur les traces de Pierre Phelep et des siens, mon voyage se fera en train : le Poudlard express m’attend !

A la gare de Brest je monte donc dans le premier train venu et je m’installe confortablement en attendant son départ. Dès les premiers mouvements de balancement du train je sens le sommeil me gagner : je ne lutte pas et je me laisse glisser vers un sommeil qui, je le sais, m’emmène vers un voyage extraordinaire. Je me réveille en sentant le train ralentir brusquement dans un bruit stridant : les freins sont rudes !!! « Gouesnou, 5 minutes d’arrêt » crie le chef de gare.

Le train patate

Le 25 février 1894, la Compagnie des Chemins de Fer Départementaux du Finistère inaugure une ligne Brest-Plabennec-Plouvien-Lannilis. Le train transporte voyageurs, sacs postaux, marchandises et notamment les légumes de la zone côtière qui lui vaudra l’appellation de « train patates ».

Selon ses moyens on voyage  en 1e, 2e, ou 3e classe et la plupart du temps les horaires sont approximatifs. Il arrive même que les voyageurs descendent pour soulager la locomotive dans les pentes un peu raides.

Je me lève d’un bon et descend du train aussi vite que ma tenue léonarde me le permet : jupes, tablier, châle, coiffe … décidément tout cet attirail n’est pas très pratique. Après m’être repérée dans le bourg grâce à l’église paroissiale (pas facile de faire la mise à jour entre le Gouesnou de 2024 et celui de 1895 …) j’entreprends de longer la voie de chemin de fer en direction du hameau de Penguérec où j’espère trouver Pierre et sa famille. Chemin faisant je me rend compte que je ne connais pas la date exacte à laquelle je me trouve. Je sais avec certitude que nous sommes en 1895 (car selon les listes électorales de Bohars c’est à cette date que Pierre, Marie et leurs 4 enfants déménagent de la ferme du Beuzit pour s’installer à Penguérec) mais je n’ai aucune précision supplémentaire.

Après 30 minutes de marche (avec des sabots au pied c’est plus long et en plus ça monte …) me voilà à l’entrée du hameau. Le chien de la ferme aboie pour prévenir la maisonnée de mon arrivée. Devant la petite maison couverte de gleds* deux petites filles habillées de noir s’affairent autour de grands paniers plein de linge. Je reconnais toute de suite Marie Laurence l’ainée des enfants et c’est avec émotion que je découvre le visage de la seconde : il s’agit de Marie Françoise mon arrière grand mère qui a 8 ans à peine.

En entendant le chien aboyer Marie Anne sort de la maison suivi de très près par un petit garçon accroché à ses jupes. Elle est aussi habillée de noir et . Instantanément, je comprends : nous sommes en décembre 1895 : Pierre et Marie Anne vient de perdre Laurent leur petit dernier.

Digemer mat** ! Qui a t’il pour votre service ? me demande Marie Anne les yeux rougis par le chagrin et le manque de sommeil

Demat** ! Je descends tout juste du train et je me rends chez des parents à Kergroas.Je me demandais si je pouvais passer par votre courtil pour gagner un peu de temps mais je tombe mal : désolée pour votre deuil.

C’est la volonté du Bon Dieu ! me répond Marie Anne en se signant. Nous avons enterré notre bidourig*** il y a deux jours à peine, il avait 2 ans. Puisse Dieu, notre Seigneur tout puissant, avoir pitié de lui

Amen ! répondis je assez instinctivement pour avoir souvent entendu les anciens faire de même. Je vous présente toutes mes condoléances pour votre perte. Comment s’appelait ce cher petit ?

Laurent comme mon beau père. Il était moutig**** mais il avait une petite nature alors j’étais inquiète dès qu’il attrapait mal. Cette fois j’ai prié toute la nuit mais le Seigneur ne m’a pas entendue me dit elle des sanglots dans la voix. C’est ainsi…

Après un moment de silence elle reprend contenance et après avoir détaillé ma tenue***** me demande : Mais je vois que vous êtes mariée, vous avez des petits?

Oui deux filles mais elles sont déjà grandes répondis je timidement consciente que dans le Léon du XIXème avoir seulement deux enfants est plutôt rare.

Deux seulement ? Ce n’est pas beaucoup de bras pour la ferme mais c’est vrai que c’est moins de bouches à nourrir … Justement voilà mon mari qui rentre du champ pour le fricot.

Au bout du chemin je vois arriver un homme trapu qui porte à son bras le brassard noir du deuil. Il maintient son cheval d’une main ferme pour le tenir sur le chemin et d’un regard il interroge sa femme sur ma présence.

Bonjour Pierre dis je instinctivement avant de me raviser devant l’oeil interrogateur de mon aieul enfin je veux dire Digemer mad Monsieur ! Je passais par là en me rendant chez des parents et votre femme me contait votre récent deuil. Mais je dois me hâter sinon je vais rater le train du retour. Kenavo** !

Non sans avoir jeter un dernier regard sur Pierre, Marie Anne et leurs enfants je prends congé des Phelep avec le pincement au coeur habituel. Je sais que malgré les chagrins de la vie ils construiront leur vie dans cette fermette et qu’ils y vivront heureux.

Quand, quelques minutes plus tard, je remonte dans le train en direction de Brest il me tarde déjà de retrouver Pierre et les siens mais avant de vous quittez je vous dois quelques explications de vocabulaire :

  • les gleds* sont des iris d’eau qui poussaient dans les cours des fermes et dont les paysans se servaient pour couvrir les toits de leurs maisons.
  • en breton Demat** signifie Bonjour et Digemer mad** signifie bienvenue et Kenavo**, au revoir
  • Le mot bidourig*** désigne le petit, le dernier
  • Moutig **** se traduit par mignon, gentil
  • comme dans beaucoup de terroirs de la France du XIXème la tenue***** traditionnelle permet de savoir presque tout de la vie d’une femme : son statut marital, son village d’origine, son métier

J’attends déjà avec impatience ma prochaine rencontre avec Pierre. Elle aura lieu à Brest le 17 février prochain. Si en attendant vous voulez découvrir le début de son histoire je vous invite à lire les articles parus précédemment :

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